Les lomboradiculalgies sur hernie discale sont un motif de consultation retrouvé très fréquemment en médecine générale, elles représentent une des premières causes de morbidité dans les pays industrialisés; l’impact économique associé est conséquent puisqu’aux dépenses engendrées par le traitement s’ajoutent les arrêts de travail associés.
Le schéma thérapeutique recommandé comprend dans un premier temps un traitement conservateur dont la durée varie entre 2 et 6 mois selon les services: il comporte un traitement médical par anti-inflammatoires, antalgiques, repos et kinésithérapie; une ou plusieurs infiltrations radio-guidées peuvent être également proposées ensuite.
En cas d’échec et dans un second temps, la seule alternative proposée pour traiter ces douleurs est la discectomie chirurgicale (3). Cette intervention se réalise à « ciel ouvert » sous anesthésie générale, une laminectomie est souvent pratiquée et comme toute chirurgie il existe des risques liés à sa nature invasive: infectieux, échec, récidive ou fibrose post-opératoire (58;67).
Grâce aux progrès de l’imagerie interventionnelle sont apparues de nouvelles techniques permettant de combler le manque d’options thérapeutiques intermédiaires entre traitement médical et chirurgical. Différentes techniques percutanées de herniectomie ont été mises au point ces dernières années pour proposer une alternative au traitement de la lomboradiculalgie sur conflit disco-radiculaire, elles forment le groupe des techniques chirurgicales micro-invasives du rachis.
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
PREVALENCE DES LOMBALGIES
La prévalence des lombalgies dans les pays industrialisés (dont la France) est une donnée variable selon les études réalisées: 66 % des populations des pays nordiques ont été victimes d’au moins 1 épisode lombalgique dans leur vie, et 50% dans les 12 mois précédents(37). Une étude française retrouve une prépondérance superposable avec 50% de prévalence cumulée dans les pays occidentaux(59).
INCIDENCE DES LOMBALGIES
Une estimation de l’incidence annuelle des lombalgies dans la population générale donne des chiffres variant entre 5 et 10% et diminuant avec l’âge, les nouveaux cas atteignant surtout la population des 20-30 ans(8). Une étude américaine objective des chiffres similaires avec 7.6% d’individus majeurs présentant durant l’année 1991 au moins un épisode lombalgique aigu(13).
La morbidité déclarée de la hernie discale s’élève à 200000 cas en France(38) avec une morbidité hospitalière recensée par le SESI (62) de 56300 séjours par an.
FACTEURS ETIOLOGIQUES
Il existe un lien établi entre l’apparition de lombalgies et la profession (8) déterminant des activités à risques: port de charges lourdes, postures prolongées et exposition aux vibrations. La hernie discale touche volontiers les sujets entre 20 et 50 ans. Il s’agit souvent de sportifs, de travailleurs de force ou de patients exerçant une profession mettant sélectivement leur système vertébro-discal lombaire à contribution. La hernie discale est rare chez le sujet âgé, ce phénomène est expliqué par l’involution normale du nucleus qui se déshydrate (15). Il s’agit d’un phénomène anatomique commun, souvent sans traduction clinique: Mac Rae retrouve chez 50% de sujets n’ayant jamais souffert de lombalgies ou sciatiques au moins une protrusion discale lombaire (45) à l’imagerie.
Les facteurs étiologiques retenus sont:
1) les traumatismes sévères du rachis: dans la plupart des études épidémiologiques, 35 à 65% des sujets porteurs de hernies discales présentent des antécédents traumatiques (44).
2) la détérioration structurale du disque (11): celle-ci est intimement liée à l’apparition de hernies et est provoquée par de multiples facteurs:
déséquilibres statiques importants, scolioses.
activités physiques exposant à des micro-traumatismes répétés.
anomalies congénitales de développement.
spondylodiscites.
DONNEES ECONOMIQUES
DEPENSES RELATIVES AUX LOMBALGIES
Il est certain que le coût associé aux lombalgies s’est accrû depuis quelques années, indépendamment de toute variation de prévalence (46). Aux Etats–Unis, la lombalgie est le 2ème motif de consultation chez le généraliste après le syndrome grippal commun, avec 5.4 millions d’américains par an concernés (17). En France, le recours au médecin généraliste pour pathologie discale, lombalgies ou sciatiques se chiffre par 40.5 pour 1000 séances en 1996, avec un accroissement du nombre total de séances de 13% entre 1992et 1996 (27). Les lombalgies entraînent bien évidemment:
des coûts médicaux directs: soins, hospitalisations, médications (antalgiques, anti-inflammatoires, ceintures lombaires, corsets), explorations complémentaires, prise en charge kinésithérapique, psychothérapique dans certains cas.
des coûts indirects tangibles: arrêts de travail engendrés par la maladie avec versements d’indemnités journalières, voire séquelles entraînant une Incapacité Permanente Partielle (IPP) source d’une rente en fonction du % d’IPP.
des coûts indirects intangibles: perte de salaire, diminution du taux de productivité des entreprises.
Une approche des coûts directs aux Etats–Unis a évalué à 24 milliards de dollars les dépenses pour les lombalgies (23). En France, selon les statistiques de 1988 de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) concernant le régime général, les lombalgies ont été en France à l’origine de 110000 accidents du travail (AT) soit 13% de la totalité des AT; la durée moyenne des ces arrêts de travail était de 33 jours, soit 3.6 millions de journées perdues. Au total le coût de ces lombalgies professionnelles s’élevait à 500 millions d’euros. On peut attribuer (à partir des consultations recensées par la CNAM) le coût des lombalgies à 7% des arrêts maladie en France, soit en 1988 12 millions de journées indemnisées, et un coût direct de 1.1 milliard d’euros(39).
DEPENSES RELATIVES AUX LOMBOSCIATALGIES PAR HERNIE DISCALE RESISTANTES AU TRAITEMENT MEDICAL
Si on s’intéresse de manière plus spécifique au coût engendré par une lombo-sciatalgie par hernie discale résistant au traitement médical classique, on distingue :
un coût direct:
Traitement / Coût direct Coût en moyenne par semaine (€)
Médicaments antalgiques ou/et autres 60
Hospitalisation en moyenne de sept jours 4500
Confection et mise en place d’un corset 600
Prise en charge kinésithérapeutique et éventuelles tractions vertébrales 280
Radiographies standard du rachis et IRM 350
Coût de l’éventuelle chirurgie
un coût indirect estimé classiquement à 3 à 4 fois le coût direct.
Bien évidemment ces dépenses peuvent être récurrentes lors de rechutes.
LA HERNIE DISCALE
PHYSIOPATHOLOGIE ET HISTOIRE NATURELLE DE LA HERNIE DISCALE
Physiopathologie de la douleur
La douleur radiculaire est générée par une inflammation radiculaire dont l’origine est assurément double:
la compression radiculaire mécanique qui, isolée, ne peut expliquer la sciatalgie (50).
des réactions biochimiques responsables d’une «radiculite chimique »: la rupture de l’annulus libère en effet des substances agressives vers l’espace péri discal et péri radiculaire; il y a alors rupture de la barrière hémato-méningée avec passage de glycoprotéines de l’inflammation (dont la phospholipase A2) très irritantes pour la racine comprimée et à l’origine d’une cascade de réactions inflammatoires.
On constate une véritable radiculite chimique responsable d’un œdème de la racine comprimée (12;21) et d’adhérences à ce niveau.
En général la compression d’un nerf périphérique n’engendre pas de douleur: une pression sur une racine normale détermine au maximum un engourdissement, des paresthésies, ou une faiblesse musculaire (21).
Un conflit radiculaire ne devient douloureux que si la racine est inflammée.
Il existe donc une origine double à cette inflammation :
La compression mécanique
La radiculite chimique
La compression mécanique de la racine provoque un œdème localisé.
La radiculite chimique joue donc un rôle fondamental dans le déclenchement de la radiculalgie; il est en effet démontré que les disques intervertébraux contiennent à un degré élevé des substances ayant un haut potentiel inflammatoire telle la phospholipase A2 (PLA2). La PLA2 déclenche une puissante réaction inflammatoire en chaîne (21).
Une fissuration ou une perte de l’intégrité de l’annulus provoque donc cette radiculite par libération de ces substances irritantes; elles induisent ensuite une congestion veineuse, un œdème, parfois des réactions auto-immunes. Cette inflammation peut en outre être responsable d’adhérences radiculaires. Ces phénomènes inflammatoires sont particulièrement marqués en cas de hernie avec fragment libre puisqu’ils permettent de résorber très rapidement le fragment, expliquant le bon pronostic de ce type de hernie.
La radiculite explique également l’efficacité de certaines thérapeutiques (dont la nucléotomie percutanée, les infiltrations de corticoïdes) qui agissent sur le mécanisme de l’inflammation en détruisant certains médiateurs.
La lombalgie de la sciatique, étudiée par Kussich s’explique par une irritation des fibres nerveuses situées principalement au niveau du ligament longitudinal postérieur (21).
Les différents facteurs de la résorption discale
Comme décrit ci-dessus, plusieurs phénomènes biochimiques sont impliqués en cas de protrusion discale et à fortiori de hernie discale; le but de cette cascade de réactions inflammatoires est la résorption de la hernie, migrée ou non.
Les différents facteurs de la dégradation sont les suivants:
Les cellules: les chondrocytes du disque intervertébral qui synthétisent la matrice extra-cellulaire, et les macrophages qui sont issus de la néo-vascularisation entourant le fragment discal.
Les facteurs enzymatiques:
• ce sont les métallo-protéases (stromélysine qui dégrade les protéoglycannes de la matrice, et collagénases qui elles sectionnent le collagène de la matrice)
• et les cytokines inflammatoires: l’interleukine 1(principale cytokine présente dans le disque dégénéré), et le TNF-α qui est produit par les macrophages activés et a un rôle dans la genèse de la douleur.
Il existe 2 mécanismes:
Evolution anatomique de la hernie discale
Si on s’intéresse à l’évolution de la hernie discale dans le temps, on peut constater les résultats suivants, d’après l’étude de Maigne et Rime (1992) portant sur 48 patients présentant une sciatalgie traitée médicalement auxquels on réalise 2 scanners (intervalle entre les 2 TDM de 1 à 40 mois) (41):
Nombre de cas
Groupe 1 Diminution de moins de 25% 9
Groupe 2 Diminution de 50 à 75 % 8
Groupe 3 Diminution de plus de 75% 31
– 64% des patients ont vu le volume de la hernie régresser de plus de 75%.
– 17% des patients ont eu une régression du volume herniaire de 50 à 75%.
– 19% des patients ont eu une régression de moins de 50%.
Taille des hernies Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Petites (13) 5 1 7
Moyennes (20) 3 5 12
Grosses (15) 1 1 13
Les hernies volumineuses et migrées régressent ou disparaissent plus rapidement et plus souvent que les hernies de petites tailles sous-ligamentaires ou les protrusions discales.
En outre, les changements morphologiques de la hernie sont habituellement visibles après 6 mois, et ils correspondent à une amélioration clinique qui précède souvent l’amélioration de l’imagerie; il n’existe pas de corrélation claire entre l’évolution des signes cliniques et radiologiques.
CLASSIFICATIONS TOPOGRAPHIQUES
Topographie transversale des hernies discales lombaires
Il existe des hernies discales médianes surtout génératrices de lombalgies, mais qui, lorsqu’elles sont volumineuses, peuvent donner un syndrome de la queue de cheval (21).
Les hernies discales paramédianes et postéro-latérales, les plus fréquentes étant donné l’anatomie (85%) engendrent des tableaux de radiculalgie homolatérale
les hernies discales foraminales compriment la racine sus-jacente au niveau du foramen, alors que celles qui sont extra-foraminales la compriment au niveau paravertébral; elles représentent 10% des hernies.
Topographie sagittale des hernies discales lombaires
Une corrélation entre les données anatomiques, radiologiques et cliniques de la migration herniaire se retrouve dans la classification suivante (21):
La hernie discale lombaire est en général responsable d’une douleur monoradiculaire. En cas de hernie relativement volumineuse, plusieurs racines peuvent être atteintes; les radiculalgies S1 et L5 sont de loin les plus fréquentes, s’exprimant par une sciatalgie, puis viennent ensuite les atteintes L4 ou L3 engendrant une cruralgie.
DIAGNOSTIC DE HERNIE DISCALE
L’expression clinique d’une lésion rachidienne est dominée par la douleur; il faut donc faire préciser au malade sa topographie et analyser le trajet douloureux et ses irradiations éventuelles.
On distinguera la lombalgie isolée de la douleur ressentie dans le membre inférieur dans le territoire d’un dermatome (fig.18 et 19).
L’atteinte L5 est caractérisée par une douleur irradiant vers la face postérieure de la fesse, de la cuisse, vers la face antéro-latérale de la jambe, vers le dos du pied et l’hallux. L’atteinte S1 se traduit par une douleur qui irradie vers la face postérieure de la fesse, de la cuisse, du mollet et vers la plante du pied et son bord externe.
En cas d’atteinte L3 ou L4 on parle de cruralgie, caractérisée par une douleur irradiant vers la face antérieure de la cuisse et du genou; pour L4, la topographie peut comporter la face antéro-interne de jambe.
Le mode de début du syndrome douloureux, son caractère progressif ou au contraire brutal doit être précisé: la sciatique ou la cruralgie apparaissent volontiers au décours d’un mouvement d’un effort en flexion, d’un traumatisme, d’un accident, d’une chute. Un lumbago précède souvent de plusieurs jours, voire plusieurs années l’apparition du trajet radiculaire (40).
Il est en outre fondamental d’évaluer l’évolution de la douleur dans le temps.
La douleur majorée lors des efforts de toux, d’éternuements ou de la défécation est un bon signe de compression radiculaire discale; ce caractère impulsif peut également être observé dans les compressions radiculaires osseuses mais à une moindre fréquence; par ailleurs une autre caractéristique cette douleur est son type mécanique, elle est donc souvent calmée par le repos en position couchée ou une autre position antalgique.
Il est important de définir précisément l’âge du malade, sa profession, ses occupations et activités sportives. Certaines professions favorisent en effet la dégénérescence discale, c’est le cas des sujets exposés aux fortes vibrations, et il faudra en tenir compte pour le retour à l’activité antérieure (21). Enfin lors de l’interrogatoire il faut faire la synthèse des différentes thérapeutiques déjà mises en œuvre.
Examen clinique
La réaction réflexe à la douleur est une contracture musculaire segmentaire paravertébrale, que l’on recherchera tout le long du trajet du sciatique avec parfois, à la pression appuyée des muscles paravertébraux, la reproduction de la douleur (« signe de la sonnette »).
En cas de hernie discale il existe souvent une limitation des mouvements du rachis lombaire entraînant une impotence fonctionnelle variable.
L’attitude antalgique est un signe majeur de hernie discale, on note fréquemment une inflexion latérale de la colonne lombaire.
Le signe de Lasègue doit être recherché car il s’agit d’un signe essentiel de la hernie discale qui explore les racines L5 et S1: le malade étant étendu en décubitus dorsal, l’élévation du membre inférieur douloureux, genou en extension, réveille la douleur radiculaire à un degré variable selon l’importance de la tension de la racine sur la hernie (fig.21). Le signe est considéré positif jusqu’à 70°; l’élévation du membre opposé déclenche parfois la douleur sciatique, on parle de Lasègue croisé qui est un signe clinique spécifique mais inconstant de la hernie discale. Pour explorer L3 et L4 on testera le signe de Lasègue inversé, effectué à plat ventre avec extension de la cuisse genou fléchi.
Les signes neurologiques peuvent être des troubles de la sensibilité se manifestant par des dysesthésies, ou une hypo-anesthésie qui, si elle existe, est notée dans les mêmes territoires que la douleur (fig.20).
Le réflexe rotulien est diminué ou aboli en cas d’atteinte L3 ou L4, et le réflexe achiléen qui teste la racine S1 peut être absent ou diminué lors d’une compression discale (fig.21).
Bilan radiologique des hernies discales lombaires
Radiographie standard
Le bilan radiographique traditionnel (cliché de De Sèze notamment) fait partie du bilan initial devant toute lombo-sciatalgie ou cruralgie; il est surtout utilisé pour évaluer les troubles de la statique, s’assurer de l’absence de lésion osseuse associée, et préciser le siège et le degré de l’arthrose lombaire si elle est présente. Il reste un examen peu coûteux, très peu invasif et efficace pour détecter les premiers signes de dégénérescence discale (6).
Certaines anomalies radiologiques évoquent fortement une hernie discale: si un pincement discal n’a aucune valeur sémiologique (il peut être ou non associé à une hernie), un bâillement intervertébral postérieur, essentiellement noté en L4-L5 et en L3-L4, traduit en général une volumineuse hernie discale. Une fracture du listel marginal postérieur à rechercher sur l’incidence de profil, permet de suspecter une hernie prémarginale postérieure; enfin, le nucleus expulsé peut de manière exceptionnelle se calcifier et cette calcification est également à rechercher sur les clichés standards (21;26).
Arrachement du listel marginal postérieur.
Scannographie ( TDM)
Elle intervient, en dehors du cas de la sciatique compliquée, seulement après échec d’un traitement médical bien conduit pendant 1 mois (Références Médicales Opposables). La tomodensitométrie sera complétée si elle est négative ou si la corrélation clinique est mauvaise par une IRM ou une radiculosaccographie.
Sa sensibilité diagnostique élevée et son caractère non-invasif en font un examen de choix, cependant sa réalisation et son interprétation nécessitent une bonne connaissance de l’histoire clinique.
Les protocoles utilisés sont des explorations en coupes volumétriques avec un plan de coupe horizontal afin de permettre des reformations dans d’autres plans de bonne qualité; il s’agit de coupes jointives, de 1 mm d’épaisseur, sur l’ensemble du rachis lombaire.
L’injection intraveineuse de produit de contraste n’est pas nécessaire, sauf si une formation au niveau foraminal ou extra-foraminal en indique alors la réalisation.
On recherche des signes directs de hernie discale: une saillie plus ou moins focalisée du rebord du disque intervertébral, plutôt régulière lorsque la migration du nucleus reste en préligamentaire, alors qu’en cas de perforation ligamentaire la saillie apparaît comme une rupture brutale du contour discal (fig.22 et 23).
Les densités mesurées sont identiques au disque d’origine (soit entre 50 et 90 unités Hounsfield); cependant s’il existe un fragment libre on constate souvent un abaissement des densités (22), et lorsqu’une injection de produit de contraste est réalisée, on visualise une prise de contraste périphérique du fragment. Ceci est dû aux phénomènes inflammatoires impliqués décrits précédemment.
En cas de dégénérescence discale importante associée avec vide intersomatique, on peut noter une bulle de gaz accompagnant ou non une hernie discale au niveau de l’espace épidural. Ce signe n’est absolument pas spécifique d’une hernie et traduit la rupture de l’annulus et du ligament vertébral postérieur.
On recherche également en TDM des signes indirects de hernie discale:
l’effacement de la graisse épidurale au niveau de la partie antérieure et antéro-latérale du canal rachidien, ou en cas de hernie foraminale l’effacement de la graisse du foramen.
le refoulement du fourreau dural obligatoire si la hernie comprime la racine avant son émergence du fourreau dural; il est important de signaler que la gaine radiculaire n’apparaît individualisée par rapport au fourreau dural qu’au niveau de la partie basse du récessus articulaire L4 ou L5.
Le refoulement ou l’effacement de la racine, si la hernie comprime la racine après son émergence du fourreau dural, peut être associé à un refoulement de ce dernier.
Plus ces signes sont francs, plus les chances de conflit disco radiculaire sont importantes, ce d’autant plus que le patient est jeune et le rachis normal sur le bilan radiographique standard.
Les difficultés de la scanographie et quelques aspects particuliers doivent être explicités(21;26):
la hernie discale entraîne une dilatation des veines épidurales sus et sous-jacentes, ce qui peut entraîner une appréciation erronée du volume précis de la hernie étant donné les densités très proches hernie/plexus veineux. La différenciation entre dilatation veineuse et fragment libre peut être délicate, et l’injection de produit de contraste permet de trancher.
une hernie volumineuse remplissant tout le sac dural est évoquée si l’on observe un saut de densité du contenu du sac dural entre le disque pathologique et les niveaux sus et sous-jacents; de plus la reformation sagittale médiane à partir de coupes continues permet de reconnaître ces hernies discales médianes volumineuses.
Le diagnostic différentiel entre une hernie discale foraminale et un neurinome, une métastase, un lymphome ou kyste radiculaire est effectué par la clinique ou/et par l’injection de produit de contraste ou par une IRM ou un discoscanner. La prise de contraste au niveau de la hernie sera en effet périphérique.
L’émergence conjointe d’une racine au niveau du sac dural peut faire craindre une hernie discale. Ceci est fréquemment retrouvé pour les racines L5 et S1. La visualisation d’anomalies osseuses avec un récessus radiculaire large du côté de l’anomalie est un signe en faveur de cette anomalie; ceci sera objectivé également par les reformations obliques.
Le kyste radiculaire, correspondant à une dilatation kystique des méninges radiculaires, peut également poser des problèmes de diagnostic différentiel en TDM mais leur densité est proche du sac dural et il existe des anomalies osseuses avec élargissement du récessus radiculaire associées au kyste.
La TDM peut donner des résultats erronés par excès: 35% des examens scannographiques de patients asymptomatiques de 40 ans et plus révèlent des anomalies discales, sachant que le pourcentage augmente encore avec l’âge (69).
IRM
L’IRM doit être considérée comme l’examen de choix chez les femmes enceintes, les patients allergiques ou ceux pour lesquels la TDM est trop artéfactée; elle est indispensable lorsqu’une nucléotomie est envisagée car elle va permettre de déterminer si le patient considéré rentre dans certains critères d’inclusion. L’exploration se fait en coupes fines (3 à 5 mm) en haute résolution T1 complétées par des coupes T2. Il est possible de réaliser une injection de Gadolinium au cours de l’exploration. (21;26)
Le disque intervertébral normal apparaît:
en T1 légèrement hypointense de manière plus prononcée en périphérie.
en T2 le signal est hyperintense, notamment au niveau de la partie centrale c’est-à-dire du nucléus pulposus; en revanche la partie périphérique de l’annulus et les ligaments longitudinaux apparaissent hypointenses, sachant qu’avec l’âge (dès 20 ans) une image linéaire au niveau central du disque est visualisée.
Avec l’apparition de la dégénérescence discale, celui-ci apparaît pincé:
en T1 le signal est hypointense.
en T2 il l’est également, et une protrusion discale accompagne souvent ce phénomène.
il existe une modification du signal à l’IRM au niveau des plateaux vertébraux adjacents et au niveau de la moëlle osseuse.
Pour explorer une hernie discale on réalise des coupes sagittales et/ou axiales;
les hernies sous-ligamentaires se traduisent en séquence T1 par un recul focal du disque, limité en arrière par l’hyposignal du ligament vertébral commun postérieur; on retrouve un effacement de la graisse épidurale, le refoulement de la racine ou/et du fourreau dural par la hernie, et parfois un signal hyperintense au niveau des plexus veineux épiduraux dilatés (l’injection de Gadolinium démontre cette stase veineuse). En T2 on obtient des informations sur l’état de dégénérescence du disque et sur le signal de la hernie, qui est souvent identique à la partie centrale du disque: ainsi sur un disque bien hydraté la hernie discale présente un signal relativement intense, tandis que ce signal peut être iso ou hypointense dans le cas d’une hernie chronique ou sur disque dégénéré (21;26).
Les hernies transligamentaires (fig.24) (lorsqu’il y a rupture du ligament longitudinal postérieur) sont identifiées par les mêmes signes que les précédentes mais il existe une disparition de la ligne de signal hypointense qui se trouve normalement à la partie postérieure du disque; ce signe est non-spécifique à la présence d’une hernie, tandis qu’une interposition du liseré hypointense entre le disque et un fragment discal est un signe plus fiable
En cas de hernie exclue avec fragment libre, celui-ci apparaît en séquence T1 iso ou hypointense par rapport au disque d’origine (fig.25); en T2 le signal du fragment est hyperintense (ce qui témoigne de son caractère hydraté), et on remarque une inflammation au niveau de l’espace épidural tendant à résorber le fragment dans le temps.
Les phénomènes inflammatoires au niveau de la racine comprimée sont dus à la rupture de la barrière hémato-nerveuse, ceci se traduit lors d’injection de gadolinium par une prise de contraste en T1 radiculaire et péri-radiculaire; on pourra visualiser en T2 un élargissement de la racine comprimée au sein de la gaine.
Comme pour la TDM, l’IRM donne un bilan exhaustif et décèle parfois des lésions complètement asymptomatiques.
Enfin, l’IRM permet de faire la plupart des diagnostics différentiels de douleur radiculaire notamment d’exclure une pathologie intradurale au niveau lombaire; au niveau foraminal le diagnostic différentiel de hernie discale peut cependant être ardu et le recours à un disco-scanner peut être nécessaire (21;26).
Discographie et discoscanner
La discographie est un examen qui analyse de manière très précise l’état du nucleus, de l’annulus et du ligament longitudinal postérieur; elle permet d’affirmer le caractère préligamentaire d’une hernie, elle étudie l’état de dégénerescence discale et est réalisée, associée à un examen scannographique (discoscanner), lors de la plupart des techniques percutanées.
Lors de notre étude elle est systématiquement réalisée au niveau de l’étage concerné; l’injection du produit de contraste peut reproduire dans un certain nombre de cas une douleur radiculaire identique à la douleur habituelle du patient, ce qui confirme l’origine herniaire de la symptomatologie (68).
La discographie est réalisée par voie postéro-latérale extradurale après désinfection chirurgicale; le disque est ponctionné sous contrôle scopique et du produit de contraste (de 0.5 à 3cc selon l’état d’hydratation discal) est injecté progressivement au niveau du nucleus pulposus (fig.27 et 28); sur un disque normal (fig.26), le produit de contraste forme une bille centrale homogène et l’injection ne provoque aucune douleur.
Le discoscanner réalisé simultanément à la discographie lors d’une nucléotomie percutanée par exemple donne une vue axiale du disque concerné, ce qui permet en cas de hernie d’évaluer la fissuration de l’annulus (entraînant la migration de matériel nucléaire) et la largeur de cette fissuration dans le plan axial (fig.28). Les hernies foraminales ou extra foraminales sont également bien étudiées par cette technique d’imagerie.
La radiculosaccographie est une technique réalisée en position debout avec ponction à l’aiguille fine préalable en décubitus; elle permet la visualisation de compressions minimisées (car en position couchée) en TDM ou IRM. Une injection de produit de contraste hydrosoluble est réalisée au décours de la ponction lombaire.
Il s’agit d’une technique ayant une très bonne sensibilité pour le diagnostic des hernies discales médianes, para-médianes et postéro-latérales, en revanche elle ne permet pas de visualiser les hernies extra-foraminales.
Des clichés en incidence frontale, latérale et oblique éventuellement complétés par une coupe myéloscannographique permettent de déterminer la topographie herniaire (fig.29 et 30). Le syndrome post-myélographique sous forme de céphalées et nausées est fréquent.
Elle objective des signes indirects, qui sont:
Des anomalies de contour du fourreau dural: les hernies discales déterminent une compression du fourreau dural sous forme d’empreinte (image indirecte), au niveau de sa face antérieure pour les hernies médianes et au niveau de sa face antéro-latérale pour les hernies paramédianes et postéro-latérales (fig.29 et 30); en cas de hernie préligamentaire, l’empreinte durale présente en général un grand rayon de courbure a contrario de la hernie discale ayant perforé le ligament longitudinal postérieur où le rayon de courbure est petit. S’il s’agit d’une très volumineuse hernie discale on peut observer un arrêt complet du produit de contraste avec en regard du disque concerné un aspect peigné très évocateur.
des anomalies des gaines radiculaires: en position antéro-latérale et latérale, les hernies compriment la gaine radiculaire et celle-ci apparaît alors exclue du remplissage, avec un aspect d’élargissement de la racine au niveau de la limite supérieure de la compression (cet élargissement visible en radiculosaccographie correspond à un aplatissement associé à l’oedème réactionnel). La racine peut être comprimée également dans son trajet intradural en amont si la hernie siège au-dessus de l’émergence de la gaine radiculaire. Enfin les hernies discales foraminales modifient la gaine radiculaire dans son trajet sous-pédiculaire.
TRAITEMENTS
TRAITEMENT MEDICAL
Généralités
Les données de l’ANAES( Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé) de février 2000 distinguent la prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies et lombosciatiques communes de moins de 3 mois d’évolution (aigües); la lombalgie est définie par une douleur de la région lombaire n’irradiant pas au-delà du pli fessier, tandis que la lombosciatique pour l’ANAES est une douleur lombaire avec irradiation douloureuse de topographie radiculaire L5 ou S1.
Les lombalgies et lombosciatiques dites symptomatiques (fracture, néoplasie, infection) doivent être éliminées, en cas de doute, par des examens complémentaires adaptés. Une urgence diagnostique et thérapeutique doit être également systématiquement recherchée: il s’agit de la sciatique hyperalgique ou associée à un déficit neurologique (sciatique paralysante ou avec syndrome de la queue de cheval).
Pharmacologie
En dehors de ces 2 cadres pathologiques, les recommandations officielles de l’ANAES indiquent les traitements médicaux par voie générale en 1ère intention, afin de permettre au patient de contrôler et de gérer sa douleur le plus rapidement possible:
les antalgiques: paracétamol (niveau 1) à posologie optimale soit jusqu’à 4 grammes par jour administrés en 4 prises systématiques, puis si échec niveau 2 voire niveau 3 (opioïdes forts comprenant morphines et dérivés morphiniques).
l’aspirine n’est plus que rarement proposée à visée antalgique en raison de sa toxicité digestive, et le traitement sera donc de courte durée.
les anti-inflammatoires non stéroïdiens, à dose anti-inflammatoire, peuvent être prescrits seuls ou en association avec des antalgiques; aucune molécule n’a fait preuve d’une efficacité supérieure aux autres à l’intérieur de cette classe médicamenteuse. La corticothérapie par voie générale n’est pas recommandée.
les myorelaxants: la durée du traitement ne devrait pas excéder 2 semaines. Ils sont prescrits en association avec les autres classes médicamenteuses.
Kinésithérapie
Selon l’ANAES, la poursuite d’activités ordinaires compatibles avec la douleur semble souhaitable, le repos au lit plus ou moins prolongé n’ayant pas démontré d’effet bénéfique. La kinésithérapie à visée antalgique et décontracturante peut être proposée au patient.
Les manipulations rachidiennes présentent un intérêt uniquement dans la lombalgie sans irradiation associée, avec un effet antalgique à court terme.
Infiltrations
Les infiltrations de corticoïdes constituent un traitement symptomatique de deuxième intention des douleurs radiculaires d’origine discale résistantes au traitement médical bien conduit. Plusieurs techniques d’infiltrations locorégionales sont possibles: épidurales, intrathécales ou péri-radiculaires guidées sous scopie ou TDM.
Les hernies discales postéro-latérales à extension foraminale, foraminales strictes ou extraforaminales sont des indications d’infiltrations foraminales sous scanner ; en cas d’échec du traitement médical associant kinésithérapie et prise médicamenteuse par voie orale, les infiltrations guidées permettent, dans un but antalgique, d’amener l’anti-inflammatoire stéroïdien localement et donc d’augmenter la dose délivrée en diminuant les effets secondaires généraux.
Les infiltrations locales de corticostéroïdes sont inefficaces dans le traitement de la lombalgie sans conflit radiculaire avéré, et sont contre-indiquées en cas d’allergie aux corticoïdes, de grossesse ou de déficit neurologique associé.
Le geste est réalisé en ambulatoire, dure environ 15 minutes et s’effectue en procubitus, après information éclairée du patient. On procède à une aseptie soigneuse, des coupes axiales centrées sur le segment rachidien concerné sont effectuées dans le même temps; après anesthésie locale à la Lidocaïne® des plans cutanés et musculaires sur le trajet prédéterminé, une aiguille à ponction lombaire de 22 G est introduite jusqu’au ganglion rachidien; sous contrôle scanner, une radiculographie est réalisée par injection de 2 cc de produit de contraste monomolaire.
Cette radiculographie a pour but de confirmer le bon positionnement de l’aiguille, la bonne diffusion du produit de contraste et des agents anti-inflammatoires au niveau du conflit disco-radiculaire. Le produit de contraste devra véritablement « mouler » la racine nerveuse inlammatoire, de sa naissance à sa position extra-rachidienne. La diffusion du produit de contraste réalisera de façon sélective une épidémiographie et une radiculographie au niveau du conflit.
L’aiguille 22G d’infiltration sera repositionnée jusqu’à ce que la diffusion du produit de contraste soit considérée satisfaisante.
On injecte ensuite de manière progressive une solution de Cortivazol (ALTIM®) associée 1 ml de Lidocaïne® (sauf si allergie connue).
La reproduction de la douleur doit normalement être ressentie par le patient, et on contrôle le passage de la solution sous guidage scanner. Les complications (allergiques, vasculaires, infectieuses) sont exceptionnelles.
Les différentes études réalisées (7) ont permis de montrer que 65% des patients sont améliorés durablement (15 mois en moyenne), en moyenne au bout de 13 jours. Selon les cas on pourra réaliser de façon itérative ce type d’infiltration (3 au maximum avec intervalle libre entre chaque d’au moins 3 semaines) avant de proposer un traitement percutané ou chirurgical en cas d’échec.
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Démarche diagnostique
En 1936, Mixter et Barr donnaient au traitement de la sciatique une impulsion chirurgicale qui ne devait plus s’arrêter 70 ans plus tard (19).
La sciatique discale est la conséquence de l’irritation et de la compression d’une racine par une hernie discale et le traitement est avant tout conservateur; l’intervention chirurgicale est proposée en fonction de la tolérance du patient à sa douleur, et a pour but de faire disparaître la radiculalgie; elle ne peut prétendre atténuer l’éventuelle lombalgie associée qui ne doit pas prédominer dans la symptomatologie.
En cas d’échec d’un traitement bien conduit, durant 3 à 6 mois selon les cas, on confie le patient au chirurgien; avant de poser l’indication opératoire, celui-ci évalue deux points:
La radiculalgie doit être liée à la hernie discale diagnostiquée par scanner/IRM; la concordance radio clinique doit être parfaite. La hernie sur l’imagerie doit être au même niveau et du même côté que la douleur référée par le patient, et son volume doit être suffisant pour expliquer la symptomatologie, bien qu’il n’y ait pas de consensus sur un volume minimum; la forme et le volume du canal vertébral sont des facteurs qui vont intervenir pour la décision opératoire.
Le caractère chirurgical de la hernie: classiquement les indications urgentes sont la sciatique paralysante et le syndrome de la queue de cheval. La première se traduit par un déficit moteur franc dans le territoire de la racine concernée, mais une chirurgie rapide n’est pas un garant de récupération neurologique; un déficit sphinctérien et une hypoesthésie en selle constituent le syndrome de la queue de cheval qui est une urgence chirurgicale non discutée. La sciatique dite « hyperalgique » (douleur insomniante, peu sensible au repos et au traitement médical) est une urgence discutée car le déficit sensitif isolé n’est pas un élément décisif. Dans les autres cas un arrêt complet de l’activité habituelle, et un traitement conservateur maximal sont nécessaires avant de poser l’indication.
1.6.2.2 Choix de la technique chirurgicale
La discectomie chirurgicale décrite par de nombreux auteurs (10;34) est un geste performant donnant des résultats à long terme de l’ordre de 85%. C’est l’acte le plus fréquent en chirurgie rachidienne (19). Il permet la cure de la hernie discale après laminectomie. Il s’agit d’un acte chirurgical de temps bref habituellement, avec possibilité de réintervention en cas de récidive.
La microchirurgie qui utilise le microscope afin de limiter la taille des cicatrices cutanées n’est pas utilisée systématiquement puisque les gestes thérapeutiques se font parfaitement à l’œil nu (31). Elle peut être utile pour aborder des récidives de hernie ou pour certaines voies postéro-latérales.
L’arthrodèse intervertébrale est envisagée secondairement, si la cure de hernie discale n’a pas d’évolution satisfaisante; elle concerne surtout l’étage L4-L5, lorsque le disque résiduel est très pincé (40).
Démarche opératoire de la discectomie
Le patient est endormi par anesthésie générale et placé dans une position voisine de la position genu-pectorale; il repose sur le thorax, les genoux fléchis à angle droit, ce qui libère le ventre dont la compression serait source d’hyperpression veineuse et de saignement vertébral majeur.
Le niveau du disque à opérer est repéré avec précision par repérage radiologique, en plaçant une aiguille sur le trajet de la voie d’abord prévue. La voie d’abord se fait par incision médiane verticale, le long d’un côté de la gouttière para vertébrale ou parfois de manière bilatérale pour avoir une vue globale du niveau opéré; après ouverture du plan sous-cutané puis aponévrotique, sont abordés les lames et le ligament jaune.
Le temps suivant est la laminotomie (fig.31 et 32) qui consiste à créer une fenêtre dans l’espace interlamellaire de taille variable: est d’abord incisé le ligament jaune en évitant une brèche dure-mérienne accidentelle.
Une ouverture isolée du ligament jaune est souvent insuffisante (sauf pour le disque L5-S1 qui est le plus mince) pour obtenir une exposition suffisante et on procède ensuite à un élargissement au dépends du bord des lames adjacentes et de la partie interne du massif articulaire (fig.32).
Le temps suivant est l’exploration canalaire qui permet d’exposer le conflit disco-radiculaire à l’aide de spatules et de refouler en douceur la racine; si le ligament intervertébral postérieur n’est pas rompu il faut l’inciser sauf dans le cas d’une volumineuse hernie exclue.
Une fois la hernie exposée elle est incisée au bistouri et il se produit alors une issue spontanée de matériel discal; à ce stade on peut considérer que la hernie discale a été enlevée, mais la plupart des auteurs s’accordent pour recommander l’évidement le plus complet du nucleus (34) à l’aide de pinces à disque à orientations différentes qui permettent de ramener de petits fragments discaux libres ou aisément mobilisables.
Quand l’évidement discal paraît terminé, il convient de vérifier que la racine et le fourreau dural sont bien libres. Il faut éliminer un éventuel fragment migré passé inaperçu, des éventuels ostéophytes ou pratiquer en cas de récessus latéral étroit une petite foraminotomie complémentaire par résection de la portion interne de la facette articulaire.
La fermeture se fait en règle en 3 plans.
Hernie foraminale
La topographie latérale de ces hernies les met en conflit avec la racine qui sort par le même foramen c’est-à-dire avec la racine sus-jacente à la racine comprimée habituellement par une hernie discale paramédiane au même étage. L’abord intra-canalaire classique ne permet d’accéder à la région foraminale qu’après sacrifice du massif articulaire en regard, ce qui accroît les facteurs de déstabilisation de l’étage hernié; on utilise alors une voie d’abord postéro-latérale (49) avec une incision para-sagittale permettant par un cheminement entre les apophyses transverses d’aborder la racine et le disque intervertébral en dehors du canal vertébral. Cette voie d’abord est plus difficile à exécuter mais évite une ouverture osseuse.
Suites opératoires
Les suites opératoires comprennent le maintien d’un redon pendant 48 h avec repos au lit pendant tout le temps de la cicatrisation, qui peut se faire à domicile. La cicatrice cutanée mesure environ 5 cm. La durée de la convalescence est très dépendante du contexte socio-professionnel avec un arrêt de travail allant au minimum de 3 semaines à 3 mois, avec une moyenne d’arrêt de 45 jours (40). La reprise du sport ou la musculation doivent se faire très progressivement à partir du 3ème mois. Le coût moyen d’une hospitalisation en secteur public en 1990 pour discectomie s’élevait à 2500€, sans tenir compte du coût éventuel des comorbidités associées ( phlébite, infection nosocomiale, amyotrophie) (36).
Complications de la chirurgie de la hernie discale
Ramirez et al (58) retrouve une incidence de mortalité à 5.9 pour 10000 et une incidence de complications majeures à 157 pour 10000.
Les complications graves opératoires sont rares: plaie des vaisseaux situés en avant des corps vertébraux, lésions radiculaires ou syndrome de la queue de cheval.
Les complications infectieuses les plus fréquentes sont les suppurations sous-cutanées ou sous-aponévrotiques; la spondylodiscite infectieuse est très rare également, 0,3 à 1,5% dans la littérature.
Les brèches dure-mériennes ou les fuites de LCR per ou post-opératoires sont assez fréquentes et de traitement simple; dans ce cas il est préférable de suturer la brèche dès qu’elle est constatée, et la fermeture doit se faire sans aucun drainage.
Les complications redoutées par les chirurgiens sont en fait les échecs de l’intervention.
Persistance d’une hernie
La persistance de la douleur pré-opératoire dès le réveil doit faire évoquer une erreur de niveau ou de côté qui imposent une imagerie et une reprise précoce si elle est confirmée; sinon on évoquera une seconde hernie située à un autre niveau ou une pathologie associée comme un canal lombaire étroit. L’imagerie pré-opératoire joue donc un rôle déterminant dans la stratégie chirurgicale.
Sténose foraminale
Une douleur radiculaire identique de survenue secondaire fera rechercher une cause mécanique à la douleur: récidive de la hernie au même niveau ou compression de la racine dans le foramen. La compression est provoquée par la fermeture du foramen intervertébral à la suite d’un pincement majeur de l’espace intervertébral.
Une intervention « standard » même avec des manœuvres méticuleuses d’évidement discal ne peut prétendre à un évidement complet du disque touché par la hernie; d’autre part la discontinuité de l’annulus en regard de la hernie ne cicatrise jamais vers un tissu ayant les propriétés mécaniques d’un annulus sain: un futur opéré doit donc toujours être prévenu de cette possibilité de récidive de hernie.
Lorsqu’une explication mécanique est évoquée et qu’elle est rebelle au traitement médical, le traitement de choix est la reprise chirurgicale avec arthrodèse intervertébrale. L’arthrodèse est également indiquée devant l’apparition de lombalgies secondaires d’allure mécanique résistantes au traitement et handicapantes.
Fibrose post-opératoire
La fibrose péridurale post-opératoire reste la complication la plus fréquente de la discectomie; l’imagerie post-opératoire montre toujours des images de fibrose autour de la racine explorée, cette image correspond donc à une cicatrice normale et existe chez les patients guéris; elle n’est pas corrélée à la présence de douleurs radiculalgiques persistantes (18). Cependant cette fibrose cicatricielle peut être extensive, épaisse et engainante empêchant la racine de coulisser librement et pouvant compromettre sa vascularisation (40). Elle provoque des douleurs secondaires sans explication mécanique à l’imagerie qui sont difficiles à traiter; le traitement est conservateur car une reprise chirurgicale induit une nouvelle fibrose plus extensive.
HISTORIQUES DES TECHNIQUES MICRO-INVASIVES DU RACHIS (MINIMALLY-INVASIVE SPINE SURGERY)
GENERALITES
Chirurgiens, radiologues interventionistes et chercheurs vont tenter de développer des théories et des techniques afin de mieux visualiser les hernies discales responsables de la plus grande partie des lombalgies (70).
En 1938 et 1942, Pool présente les résultats obtenus grâce à son « myéloscope », créé à partir d’un otoscope à éclairage modifié (56). Au début des années 1960, la technique de destruction enzymatique par la chimiopapaïne du disque hernié est introduite chez l’homme (65).
La microdiscectomie fait son apparition en 1977 et rejoint le concept de thérapie micro-invasive. En 1975, Hijikata publie son étude sur la discectomie percutanée et Onik et coll. améliorent cette technique en 1985 avec du matériel plus évolué permettant une automatisation du geste associant section et aspiration du nucleus hernié (30) (51).
Puis l’endoscopie commence par la suite à être utilisée en chirurgie du rachis, avec Kambin qui, en 1973, réussit à coupler laminectomie et excision endoscopique d’une hernie. Différents auteurs décriront ensuite à partir de la fin des années 1980 diverses approches endoscopiques propres, dont Kambin qui utilise une voie arthroscopique postéro-latérale, Perez-cruet et coll. une approche postérieure et enfin Mathews, Disworth et Yeung qui utilisent l’approche transforaminale endoscopique (32) (54).
La chirurgie du rachis et plus particulièrement la chirurgie micro-invasive a fait d’énormes progrès ces deux dernières dizaines d’années, permettant grâce à l’imagerie et aux techniques chirurgicales une meilleure visualisation et compréhension de la relation primordiale existant entre lombalgies et disque intervertébral.
MICRODISCECTOMIE
La microdiscectomie est en fait l’évolution naturelle de la technique de discectomie chirurgicale, grâce à l’introduction du microscope à la fin des années 1970; les précurseurs en sont Caspar et Yasargil; cette technique fut discutée comme appartenant à l’arsenal des techniques micro-invasives, car la procédure requiert une anesthésie générale et une incision cutanée supérieure à 50mm. Au cours du geste, successivement sont réalisées une incision du fascia lombaire, une dissection du périoste superficiel, ainsi qu’une résection partielle du ligament jaune et des lames vertébrales à l’aide d’un microscope permettant l’ablation du matériel hernié et des éventuels fragments libres épiduraux ,une suture des fascias et de la peau est ensuite nécessaire. La durée d’hospitalisation est en moyenne de 24 heures (42), et les diverses études réalisées montrent des pourcentages de réussite de 90 à 95% avec un taux de complication variant de 1.5 à 6% (20). L’intérêt de cette technique est qu’elle permet de traiter les hernies discales volumineuses (occupant plus de 50% du canal vertébral), ainsi que les hernies migrées.
CHIMIONUCLEOLYSE
La chimionucléolyse est une technique développée par Lyman W. Smith dès 1963 (65); il réalise une dissolution chimique du nucleus pulposus par voie percutanée: la chimiopapaïne est l’enzyme protéolytique la plus fréquemment utilisée, créant grâce à une « digestion enzymatique » une véritable déshydratation du disque intervertébral par dégradation des glycoprotéines et des protéoglycannes constitutives du nucleus.
La procédure, réalisée sous contrôle fluoroscopique et sédation légère, est réservée à des hernies discales préligamentaires. Un trocard de 18 G est introduit postéro-latéralement, puis une aiguille est placée ensuite au centre du disque; après une discographie-test on procède à l’injection de 1000 à 4000 U de chimiopapaïne (fig.34). Cette technique donne de bons résultats dans 70% à 90% des cas environ, avec une durée d’hospitalisation de 5 jours. Le taux de réussite est plus élevé si le patient est jeune (âge inférieur à 50 ans), et s’il existe un signe de Lasègue positif en pré-interventionnel (35).
Elle est cependant marquée par de nombreux inconvénients: les effets protéolytiques de la papaïne ne sont pas totalement prévisibles, et on peut rencontrer des complications neurologiques induites par diffusion sous- arachnoïdienne, ou même, à distance, un pincement discal avec arthrose résultant d’une nucléolyse excessive. La complication majeure est le choc anaphylactique dont la fréquence varie entre 0.5 et 1%; sa gravité a conduit à une limitation de l’utilisation de cette technique percutanée.
Les critères de sélection des patients doivent donc être rigoureusement respectés; un test préalable d’hypersensibilité à l’enzyme est réalisé afin de réduire au maximum ces complications, ces dernières sont devenues rarissimes depuis les vingt dernières années.
NUCLEOLYSE LASER
Cette méthode a été introduite par CHOY et ASHER dès 1986 (15).
Il s’agit d’une technique ambulatoire effectuée sous anesthésie locale, sur des disques d’épaisseur suffisante, qui est basée sur la déshydratation thermique du nucleus pulposus et de la hernie discale (qui doit être préligamentaire): ceci est obtenu par émission, sous contrôle scopique et scanner (24), d’énergie laser YAG (yttrium-aluminum-garnet) Nd (c’est-à-dire neodimyum) ou Ho (c’est-à-dire holmium) progressive (de 300 à 1500 Joules). Au moyen d’une fibre optique, introduite au centre du disque intervertébral, on obtient une vaporisation tissulaire (par conversion de la lumière laser en chaleur avoisinant 100°C) avec émission de gaz visible sur les coupes scanner permettant une diminution de la pression intra- discale assez rapide (fig.35).
Dans le traitement des lombo-sciatalgies sur hernie discale résistantes à un traitement médical de six semaines minimum, les taux de succès varient selon les séries de 50% à 75% (14).
Outre des douleurs à type de lombalgies fréquentes pendant le geste ou à distance, dues à l’échauffement, les complications à redouter (comme pour la lyse chimique) sont la spondylodiscite infectieuse (0,5 à 2% selon les séries) (21), ou thermique avec brûlure des plateaux vertébraux, de l’annulus, ou des racines nerveuses.
Cette méthode s’avère assez délicate à réaliser par le chirurgien et assez coûteuse au final (30000 à 150000 $). Elle peut être couplée également à une approche endoscopique.
NUCLEOPLASTIE THERMIQUE
La discoplastie thermique, aussi nommée Nucleoplasty™ (ArthroCare, Sunnyvale, California) est une technique très récente puisque la 1ère a été réalisée en 2000; elle est indiquée chez les patients souffrant de lombalgies, associées ou non à une radiculalgie, résistantes au traitement médical et dont l’IRM lombaire documente une hernie non-exclue; elle est contre-indiquée en cas de disques très altérés (63). La procédure DISC Nucleoplasty™ associe extraction de matériel discal et coagulation thermique, à l’aide d’une canule de 17 G avec stylet obturé, introduits par voie postéro-latérale; dans un premier temps le nucleus pulposus subit le long du trajet du stylet une destruction par ondes de radiofréquence (dissociation moléculaire) avec émission de gaz évacué par l’aiguille; lors du trajet inverse et dans un deuxième temps, une énergie thermique est générée permettant la destruction des fibres nerveuses le long du canal ainsi tracé (fig.36 et 37). La procédure est répétée 5 à 6 fois sur un même disque créant ainsi plusieurs canaux (fig.36); elle est effectuée sous contrôle fluoroscopique, et est ambulatoire. Peu de données de la littérature sont disponibles à l’heure actuelle à propos de cette technique, une étude italienne comprenant 72 patients a montré une amélioration de la douleur dans 80% des cas (43).
THERAPIE INTRA-DISCALE ELECTROTHERMIQUE
L’Electro-Thermo-Thérapie Intradiscale (IDET): cette technique a été développée à partir de 2000 comme alternative au traitement des lombalgies chroniques d’origine discale sans nécessairement hernie associée.
Son principe repose sur la destruction par thermo-coagulation des noci-récepteurs, présents dans l’annulus, qui sont en nombre augmenté lorsqu’il y a souffrance discale. La thermo-coagulation modifie en outre les fibres collagènes constitutives du disque qui s’épaississent, diminuant les phénomènes de néovascularisation.
La procédure s’effectue sous contrôle fluoroscopique, une discographie test est réalisée puis on introduit un cathéter de 30 cm dont l’extrémité flexible chauffante s’enroule au niveau de la partie périphérique pathologique de l’annulus (fig.38). L’extrémité du cathéter est chauffée pendant 15 minutes puis celui-ci est ôté, et le patient est ensuite surveillé en hospitalisation de jour (28) (60). Il y a encore peu de recul afin d’évaluer l’efficacité de cette technique récente.
DISCECTOMIE LOMBAIRE ENDOSCOPIQUE
Microdiscectomie lombaire endoscopique et arthroscopique: l’endoscopie a eu plusieurs applications en chirurgie discale lombaire. Elle a été utilisée soit seule soit en association avec d’autres techniques micro-invasives (comme la chimionucléolyse ou la nucléotomie automatique) afin d’améliorer la visualisation de l’acte réalisé.
L’introduction de l’endoscope diffère peu de l’approche chirurgicale de la discectomie, sauf que celui-ci est introduit à travers des canaux dans la lame vertébrale crées par un trocard de dimension variable; cela est théoriquement moins traumatique que la dissection chirurgicale avec cependant une visibilité réduite et la nécessité d’un chirurgien bien entraîné (42).
La discectomie arthroscopique a été développée par Kambin et coll. à partir de 1983, elle utilise une voie d’abord postéro-latérale différente de celle des techniques endoscopiques classiques intralaminaires; la zone d’intervention triangulaire, qui est atteinte par guidage scopique, est limitée en haut par le nerf rachidien, en arrière par le processus articulaire et en bas par le plateau vertébral (33).
Au cours du geste l’espace discal est constamment visualisé à l’aide d’un arthroscope haute résolution; l’avantage de cette technique par rapport aux autres thérapeutiques micro-invasives est qu’elle permet le repérage, l’accès et l’éxérèse de petits fragments d’annulus migrés (32), ce qui en fait selon Kambin une indication pour les patients contre-indiqués aux autres procédures.
Les taux de succès varient de 85% à 92% avec peu de complications (incluant infection post-opératoire et douleurs d’origine sympathique)(33).
NUCLEOTOMIE AUTOMATIQUE
HIJIKATA fut le premier à décrire en 1975 une technique de décompression percutanée du nucleus pulposus (30).
Il s’agit d’une méthode manuelle basée sur une fenestration postéro-latérale de l’annulus, qui permet une résection partielle du nucleus et corollairement une diminution de la pression intradiscale. Le taux de succès atteint 72 % mais le matériel employé relativement volumineux (canules de diamètre externe 5 à 7 mm) est responsable de complications radiculaires ou/et hémorragiques non négligeables.
Par la suite ONIK met au point à partir de 1985 le nucléotome, sonde d’aspiration à usage unique qui permet une approche automatique de la nucléotomie; l’orifice d’introduction du nucléotome est plus fin (diamètre extérieur de 3 mm), et le geste est réalisé sous scopie aidée parfois par un guidage tomodensitométrique (51;61). L’aspiration-fragmentation mécanique du matériel nucléaire est effectuée sous anesthésie locale avec sédation légère et dure environ 30 minutes; l’effet de décompression sur le disque lui-même est immédiat mais il existe surtout de manière concomitante sur la hernie périphérique au disque permettant un soulagement rapide (21).
De nombreuses études réalisées retrouvent des taux de réussite clinique variant de 70 à 83% (25;52).
Bien que la durée d’hospitalisation soit brève (48h), le matériel (sonde) encore relativement volumineux et coûteux peut générer des complications à type de lésions radiculaires, d’expulsion d’un fragment libre herniaire, de spondylodiscite ou d’hématome du psoas (51;57). Des innovations techniques concernant le matériel utilisé dans la discectomie percutanée automatique sont apparues récemment, notamment la sonde Dekompressor® (Stryker Corporation, Kalamazoo, MI) introduite en 2002 puis une nouvelle sonde de derniere génération le Herniatome* (Gallini Medical system, Montova, IT); il s’agit d’une sondse automatisées jetables à usage unique, permettant l’extraction, par son mécanisme de section-aspiration propre, de 0,5 à 2 cc de nucleus pulposus; la procédure sous aseptie chirurgicale n’excède pas en moyenne 40 minutes. De nombreuses études publiées attestent de l’efficacité de cette technique nouvelle sous moyen de l’imagerie moderne. Une étude randomisée à démontrer un taux de récidive inférieur à long terme. Des études de niveau Ia versus procedure type SHAM pourrait conforter ces résultats.
Ces techniques de herniectomie percutanée ne permettent pas de traiter les hernies volumineuses ou avec fragment libre, et sont contre-indiquées en cas de malformation vertébrale ou de chirurgie herniaire antérieure.